Cass.civ.2e 23 janvier 2020, n° 18-21362, publié au Bulletin
Les conventions que les hôpitaux sont libres de passer avec des prestataires médicaux dont l’objet est de fournir à l’hôpital du matériel et des « dispositifs médicaux » (appareillage, prothèses, etc), peuvent laisser penser aux patients que le matériel médical qui leur est proposé est choisi par l’hôpital sans possibilité pour le patient de se tourner vers un autre prestataire.
Et de fait, une étude menée par la Conférence nationale des pharmaciens libéraux observe que « parmi les patients hospitalisés, une grande majorité des 63% ayant eu besoin de matériel médical, oxygène, perfusions ou autres, affirme ne pas avoir eu le choix de son prestataire de matériel ».
Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation le 20 janvier 2020 (n° 18-21362), une cour d’appel avait annulé la sanction avec obligation de remboursement qu’une Caisse de sécurité sociale avait infligée à un hôpital à qui il était reproché d’avoir mis en place une convention avec un fournisseur d’appareils médicaux destinés à pourvoir aux besoins d’un service d’urgence, convention qui ne respectait pas, en cas d’opération nécessitant la pose d’un appareillage, le droit du patient de préférer à l’hôpital un autre prestataire, pour le choix de l’appareil devant être posé.
La cour d’appel avait estimé que cette convention ne portait pas atteinte au principe du libre choix du prestataire par le patient, dès lors que « le matériel mis à disposition est proposé au patient et non imposé, le patient pouvant choisir de ne pas être appareillé, le terme “proposé” étant ensuite repris à plusieurs reprises dans la convention ».
L’arrêt est cassé car pour la Cour de cassation, ce sont là des constatations insuffisantes ou très ambigus : que recouvrait exactement, dans les faits, la « mise à disposition » du matériel en vue d’être « proposé au patient » ? Le patient était-il vraiment libre de refuser l’appareillage proposé, choisi et utilisé quotidiennement par la clinique ? L’hôpital informait-il le patient qu’il disposait d’une liberté de choisir son prestataire de matériel ? La cour d’appel ne s’était pas interrogée sur ces différents points.
La cassation est prononcée sur le fondement de l’article 5232-6 du code de la santé publique et 11 de la Convention du 7 août 2002 organisant les rapports entre les caisses d’assurance maladie et les prestataires délivrant des dispositifs médicaux, textes qui posent le principe selon lequel « l ‘activité du prestataire de service et du distributeur de matériel s’exerce dans le respect du libre choix du patient ».
La portée de cet arrêt n’est pas à négliger. Désormais, les hôpitaux ayant mis en place une convention de mise à disposition avec un distributeur de matériels médicaux devront intégrer à leur protocole un dispositif d’information à destination du patient permettant à l’hôpital de rapporter la preuve que le principe du libre choix du patient est respecté au sein du service. Concrètement, on ne voit guère comment cette preuve pourra être rapportée autrement qu’au moyen d’un écrit signé par le patient au terme duquel il reconnaîtra avoir été informé de sa liberté de recourir à un prestataire autre que celui proposé par l’hôpital. C’est la seule manière de ne pas exposer les hôpitaux à des actions en responsabilité.